Modestes témoignages minéraux du passage des générations et de leurs
marques discrètes sur le sol que je foule aujourd'hui. Si les pierres façonnées pouvaient parler ! Leur présence témoigne-t-elle de la futilité de nos existences agitées, ou sont-elles les
vestiges d'une ancienne harmonie ?
Mes rencontres avec les pierres sont toutes fortuites. Je me
promène et hop ! elles surgissent au détour d'un chemin sans que je m'y attende. C'est vrai qu'en Morbihan, il y en a beaucoup, ce qui rend assez
élevée la probabilité des découvertes. Cette pierre-ci est vraiment saisissante par ses dimensions. Elle fait partie de l'ensemble des menhirs de Pen Er Pont
(à Plouhinec). Toutes ses congénères sont couchées dans le bois, mais celle-là est puissante, massive, énorme. Bien que fendue, elle semble là depuis des temps immémoriaux et restera certainement
dressée encore quelques milliers d'années.
Elle est tellement impressionnante que j'ai peine à croire qu'elle fut dressée par la force
des hommes. J'imagine plus volontiers que sa démesure a été mise à profit pour fixer en ce lieu un culte quelconque.
Le Faouët, Sainte Barbe, ses marches moussues et multicentenaires qui mènent
à l'Ellé. La forêt, la rivière bruissante,
les chaos de rochers, la taverne toute proche, la chapelle, l'arche de pierres, le clocher déchaîné (car en libre service !), le parfum du vert ("c'hwez ar glaz"). Le puissant appel de
l'Argoat.
Il y a des fois où l'on se demande si le monde de d'habitude est le vrai. Ce
chaud dimanche de juin 2011, mes pas me mènent en forêt de Floranges. Le GR 38 m'invite à rester sur la large route forestière, mais un panneau sur-titré "Dervenn Be er Sant" ("le chêne du
tombeau du Saint") attire mon regard et atise mon imagination, toutefois en deçà de la réalité.
Le tombeau (ce qu'il en reste) semble bien là, au pied du vénérable chêne
attendu. Mais je reste interdit devant cet enchevêtrement de croix rudimentairement assemblées, de chaussures d'enfants, de chaussettes, de sandales et d'images pieuses
...
Mon esprit cartésien s'est senti sans argument devant la simple puissance de
cette expression sacrée (les crucifix, les images de la vierge Marie), païenne (le chêne, les pierres, les ex-voto) et naïve d'un culte manifestement ancien mais encore vivace
aujourd'hui.
Comme autant de témoignages poignants du malheur, de la détresse, ou de la
foi qui habitent ceux qui sont touchés dans leur chair ou leur coeur par la malchance ou par les accidents de la vie, tous ces objets me semblent habités par la volonté d'extirper leurs
possesseurs de leur humaine et triste destinée. Pour ma part, je ne peux mépriser cette expression de désespoir ou d'espérance.
Bon, plutôt que de plagier les auteurs en donnant ici la clé du mystère, je
préfère renvoyer le lecteur vers les pages originales qui donnent quelques explications historiques et magiques (un peu de travail : il faut cliquer). Ici : le site de Be-er-Sant et ici : une nouvelle qui, au vu de ces petites chaussures d'enfants, de ce chêne et de ces croix de bois sec, ne semble pas si
fictive que çà.
Au Talhouët, à l'occasion de travaux agrioles, un habitat gaulois (IVe
siècle avant JC) a été mis à jour. Une petite cour de ferme, deux petites maisons, mais deux grandes tombes (ci-dessus).
Détour par le manoir de Tromelin, à l'embouchure du Pontplencoat : origine
XVIe siècle, maintes fois restauré. Dernier permis de construire en date : 2009. Le fait qu'il soit classé MH ne doit pas faciliter l'opération. Sans qu'il y paraisse, un puits (certes très joli)
a été ajouté devant l'une des portes. Une carte postale du début du XXe en atteste l'absence. Les trois proéminences sommitales de ce puits indiquent que ce point d'eau était commun à 3
maisonnées. On imagine mal que le châtelain ait partagé l'eau des manants ! Peu importe. C'est un de ces coins où je me dis que le 29N et l'Irlande ou les Cornouailles ont plus qu'une parenté
géologique.
Lavoir de Sainte Barbe : les dix pierres à laver sont aujourd'hui
muettes, mais elles se
souviennent sûrement encore des conversations que seules les femmes savaient avoir entre elles. "Radio Lavoir" diffusait alors les dernières news et les tubes à la mode du début du 20e siècle.
Imaginons ce que 10 femmes réunies peuvent avoir à se dire... ;-)
Dolmens de Port-Blanc, sur la côte sauvage de Saint Pierre
Quiberon. Datés du 4e millénaire avant JC, ils étaient recouverts d'un cairn dont il ne reste que la base, reconstituée après la fin des fouilles. Ce cairn n'était alors pas face à
l'océan comme aujourd'hui, mais au sommet d'une presqsu'île bien plus vaste qui englobait aussi Houat et Hoedic. Belle-île (ar Gerveur, pas Benac'h) était déjà une île. Quoi qu'il en fût,
c'était certainement déjà un site magnifique pour une sépulture. Combien de siècles résistera-t-il encore à la montée des eaux ...
Les ruines de Languidou, en pays Bigouden, sur la "route du vent
solaire". On y apprend notamment que les nombreuses chapelles baptisées "ND de nla Joie" ou ND de Liesse" ont été érigées en lieux et places d'anciens sites religieux
celtiques.
Voilà un curieux assemblage diachronique déniché au Vouster La stèle
gauloise de gauche a eu quelques siècles pour se familiariser avec la croix moyen-âgeuse. Mais à peine remises du récent rapt d'une autre congénère gauloise, que voilà les deux rescapées
contraintes de supporter la présence régulière d'un nouveau totem en plastique. Et monté sur roulettes par dessus le marché. Ah ces jeunes ... mais quel culte est-il sensé matérialiser ? Quelques
hypothèses : le culte de Saint Déchet, celui de Sacro-Saint Développement Durable ...
Après quelques kilomètres à vélo à travers les chemins creux défoncés et authentiques de
Plenuer, et une montée raide vers une lande pelée au milieu des pins, je tombe un peu par hasard sur le dolmen de Mane Bogad, et ses pierres rangées comme des dents de lait. Le village tout
proche résonne des rires d'un repas dominical bien arrosé.
Le pont romain de Kerfroud, en contrebas du sentier des Chouans ...
Pont Kerjegu, war an hent etre Sz Anna Gwened ha Pleigvinner. A 10 mètres en aval, le pont actuel, en béton, bien moche. Soit les gars avaient le temps, dans le temps ("gwechall gozh" !), soit
ils voulaient faire de belles choses, soit ... les deux !
Vers la gauche, Terenez. Vers la droite, Barnenez. Ce modeste pont de pierre a,
pendant des siècles, été le trait d'union de deux territoires séparés par un bras de mer de 20 mètres de large et un marécage de quelques dizaines d'hectares.
Pour ceux qui connaissent un peu la campagne, ce petit escalier de pierres n'a
rien d'extraordinaire, et pourtant il n'y en a plus beaucoup aujourd'hui. Son utilité résidait dans le fait qu'il permettait au paysan de rentrer dans son pré sans avoir à ouvrir la barrière :
les vaches étaient bien incapables de franchir ces marches surmontées d'une pierre plate verticale.Malin, n'est-ce pas ? Et très joli aussi !
Surprise hier, en déplacement professionnel, je remarque chez un fournisseur ce caillou en carapace de tortue. Assurément c'est une stèle
gauloise, constitutive d'un édifice servant à la crémation des morts chez les Vénètes (des Gaulois d'Armorique, non-Celtes ceux-là). Il y a plusieurs décennies, des ouvriers ignorants avaient
parié pouvoir l'éclater à coup de masse. Peine perdue, heureusement. Elle se trouve ainsi aujourd'hui devant la porte d'ntrée d'une maison particulière. J'ai pu enlever le pot de géranium posé
dessus par la propriétaire pour lui tirer le portrait vite fait ! Les cultes passent ... les pierres demeurent !
Kegil Brehet "la Quenouille de Sainte Brigitte", érigée sur un
pré salé : stèle gauloise qui veille sur l'accès de "l'île" du Plec. Un lien ici vers le site de l'inventaire régional du patrimoine, pour quelques explications et illustrations sur les richesses historiques de ce pays encore
secret de la Ria d'Etel. Attention aux simplifications, qui dit "gaulois" ne dit pas nécessairement "celte" (et alors ? on s'en fout, aujourd'hui est à nous, gardons-le pour demain)
Gouele Andrev : dans un chemin creux près d'une rivière trégorroise, une fontaine et son lavoir en son amont, agencement inhabituel. Vestiges de ce qui fut probablement une ancienne
trêve. De sa chapelle aujourd'hui réduite à l'état de souvenir, son cimetière éparpillé entre champs et routes, il ne reste que cette présence inattendue dans une sente humide, verte et bruissant
des sons d'hier et d'ajourd'hui
"Fetan Kerdrev" est bien plus récente et plus massive. Elle a été construite (reconstruite ?) en 2000, comme quoi certains Morbihannais continuent de
produire du patrimoine de pierre, du "modernolithique" en quelque sorte !
Entre Locoal et Mendon, ce menhir phallique se dresse face aux
marais. Enigmatique vestige vénète ? Infos ici ! Et d'autres encore ici, fournies par deuzérudizabé, euh deux érudits
abbés, de la paroisse de Locoal - Mendon
Entre Mendon et Locoal, un calvaire plus jeune de quelques siècles partage sa solitude
Quel
âge a ce Christ de granit ? Forzh penaos, je ne donne pas d'indication sur sa localisation ! Lui est bien mieux en pleine nature que dans le jardin d'un collectionneur au goût douteux
...
Du haut de leur calvaire, la mère et le fils veillent sur leur troupeau de vaches
E-tal ar groaz,
Dirak ar C'hrist maen en noazh
Seizh arched saprenn
'zo tremenet er wenodenn ...
Kroaz ar Runig sous un ciel chargé des promesses d'une terre bientôt fertile
Lec'h de Kermadeza, reste d'un monument funéraire érigé voici 2 400 ans, 120 générations
d'hommes et de femmes
Le Lion des Pastour
Mezgouez ... l'entrée d'une crypte ?
Loges innombrables des messagers célestes (en clair c'est un vieux
pigeonnier, le dernier de la commune !)